27.04.2020

Mon voyage au Pays du Milieu (中国) - Episode Bonus

Peut-être vous êtes-vous questionné sur l’absence d’un ou deux sujets essentiels dans mon récit. Quelque chose qu’on ne voit pas forcément mais qui est bien là, comme le nez au milieu de la figure.

Ce voyage, fait dans le cadre de mon premier master, m’avait permis de me lier d’amitié avec l’étudiante chinoise de notre promotion internationale. Je l’avais titillé à plusieurs reprises, et pas forcément subtilement je dois bien l’admettre, au sujet du récit national chinois. Cela me semblait nécessaire afin de me détacher de la seule approche livresque que j’en avais pour le moment. Je me souviens très bien encore d’un de ces moments où elle me racontait avec conviction que la Chine était trop grande et trop nombreuse pour mettre en place une démocratie. Sur le moment, j’avais été perplexe, me disant que la réalité politique était bien plus complexe que ce qu’elle en avait l’air et je ne savais donc pas vraiment à quoi m’attendre à la veille de mon départ.

Shanghai est une ville un peu particulière en Chine, elle en est la « capitale » économique ». Son histoire est originale - avec un essor économique lié à l’ouverture forcée par les puissances étrangères dans la deuxième moitié du XIXe siècle et un « âge d’or » dans les années 1930 avec une réelle entrée dans la modernité, ce que le régime communiste lui a fait payer par la suite en exigent de lourds tributs financiers. Un très léger vent de liberté y souffle donc un peu plus qu’ailleurs.

Cela fait que les Shanghaiens aujourd’hui aime un peu plus le chocolat que d’autres chinois et se promènent parfois en pyjama pour se balader ou faire les courses. (témoignage véridique).

Tout au long de mon voyage en Chine, que ce soit à Shanghai, Suzhou, Tianjin, Beijing je me suis sentie en parfaite sécurité. Et je ne saurais pas vraiment dire pourquoi. Je n’y ai aussi pas vu plus de policiers qu’ailleurs. Je ne me sentais pas surveillée mais je ne me sentais pas en liberté totale non plus. J’avais compris dès mon arrivée que les discussions politiques étaient réservées de toute façon à la sphère privée. Je vous parlais de cette discussion sur la sécurité sociale lors de mon repas de nouvel an. A vrai dire, j’ai compris en discutant avec mon amie Shanghaienne (qui est l’amie de mon amie étudiante), que sa famille (et la société plus généralement) étaient encore hantés par la révolution culturelle. En effet, plusieurs membres de sa famille avaient été envoyés dans des camps de travail forcés dans leur jeunesse. On n’était pas si loin de Balzac et la petite tailleuse chinoise. Cette amie - elle avait choisi le prénom de Caroline-, m’a vraiment épatée par sa liberté de ton, elle avait un regard incroyablement critique vis à vis de son pays, qu’elle avait quitté plusieurs fois pour voyager. Je suppose qu’il était bien plus facile pour elle de tout me raconter sans tabous, car nous parlions en français.

Et je comprenais aussi qu’elle était plutôt l’exception qui confirmait la règle.

Je comprenais donc au fur et à mesure qu’il fallait tout de même faire attention à ce que l’on disait. Mon ami Oliver m’avait vaguement parlé de cas d’expatriés qui avaient disparus mystérieusement. A Tianjin, j’ai compris un peu malgré moi qu’on ne pouvait pas employer le terme « concession » avec n’importe qui, sous peine de provoquer chez mon interlocuteur un visage qui se ferme et le silence qui s’en suit. Pour voyager en train, je me souviens qu’il fallait montrer patte blanche pour se déplacer (d’ailleurs pour venir en Chine j’ai du me faire inviter par l’Université pour décrocher mon visa). Il me semble que l’on devait ainsi montrer une pièce d’identité et le motif du voyage pour acheter un billet au guichet.

Il y avait donc bien anguille sous roche et la discrétion était de mise.

Prochainement je vous raconterai un épisode des plus cocasses dans une autre thématique !

...
© 2024, Sense & Vulnerability